le monument aux "morts pour la Patrie"
Le 28 juin1919 est signé le traité de Versailles. Le 14 juillet de la même année, un immense défilé à la gloire de l’armée française est organisé à Paris. La nuit précédente, on a évoqué les morts lors d’une veillée funèbre. Le 25 octobre 1919, peu avant la commémoration de la 1ère année de l’armistice, une loi prévoit que l’État subventionne les efforts des communes pour « glorifier les héros morts pour la patrie» (article 5). Cette subvention sera bien modique, comme on le verra plus loin. La forme prise par cette glorification n’est pas précisée. En France, elle se traduira par l’érection de milliers de monuments aux morts. La France refusera en effet les monuments «utilitaires» (piscines, bibliothèques, bourses d’études…) que l’on trouvera dans les pays anglo-saxons. Contrairement à ce que laisse penser la loi de 1919, la décision de construire des monuments a surtout été spontanée (dès le 15 juin 1919 par le Conseil municipal de Sancerre, le 6 juillet 1919 par celui de Saint-Satur). Elle a été prise en charge par les anciens combattants, par leurs familles, donc par la société. La loi du 25 octobre 1919 tente d’organiser la commémoration au niveau national ……….. Elle propose donc : - - la création d’un livre d’or (qui n’a pas vraiment vu le jour), - -la création d’un monument national aux soldats morts pour la France (qui n’a pas vu le jour) et l’aide aux communes pour l’établissement de monuments, - la tenue d’une cérémonie le 1er ou le 2 novembre, cérémonie organisée par les municipalités.
|
Extraitdu Journal Officiel, 25 octobre 1919 |
Les listes pour le livre d’or ont bien été établies au niveau communal et transmises au ministère,
|
|
|
|
|
|
|
|
Les discussions pour la mise en place d’un monument dans les communes s’initient dès 1919 :
A Sancerre:
le conseil décide de faire son propre monument, en complément de l’investissement de la commune, une souscription publique est ouverte :
|
|
15 juin 1919 journal de Sancerre |
27 juillet 1919 journal de Sancerre |
|
10 avril 1920 |
|
|
27 mars 1920 |
|
Le choix de l’emplacement est souvent discuté et reflète les luttes de pouvoir... (mairie, église…) :
10 janvier 1920 |
8 mai 1920 journal de Sancerre |
6 juillet 1919 journal de Sancerre |
Et à Ménétréol
Beaucoup de monuments ont été élevés grâce à des souscriptions privées : ce sera le cas à Ménétréol, comme le relate le journal de Sancerre du 12 octobre 1919 .
Le 17 janvier 1920, le Conseil municipal décide d’un budget de 1500 francs pour la construction d’un monument aux morts.
12 octobre 1919 journal de Sancerre |
Compte-rendu du Conseil municipal, 17 janvier 1920 |
La délibération du Conseil du 23 avril 1920 est particulièrement intéressante par ce qu’elle dit et par ce qu’elle ne fait que suggérer.
compte-rendu du Conseil municipal, 23 avril 1920
On apprend donc que la souscription a rapporté 1177 francs, mais on ignore qui en a été à l’origine, et quand. Nulle trace dans les délibérations du Conseil. Le Journal de Sancerre nous apprend cependant que c’est un des conseillers municipaux, Vincent Uzé, qui est trésorier du comité pour cette souscription.
On apprend aussi qu’il y eut un référendum, organisé le 2 février 1920, pour choisir l’emplacement du futur monument aux morts : il sera à l’extérieur du cimetière, en face de la porte d’entrée (il y est encore).Mais quelles ont été les autres propositions ? On l’ignore, le registre des délibérations du Conseil n’en dit rien.
En revanche, on connaît le montant du devis pour la construction du monument : 2700 francs. Mais, là encore, nulle trace du « dessin », du « devis estimatif », ni du « cahier des charges », simplement évoqués dans le compte-rendu.
conseil municipal session du 24 avril 1921 |
L’inauguration du monument aux morts approche, mais les travaux ne se passent pas comme prévu : ils n’ont même pas commencé, comme le relate le compte-rendu du 24 avril 1921 !
Une année s’est écoulée depuis l’approbation du devis, et le prix des matériaux a augmenté. Ceux-ci manquent, tout comme la main d’œuvre… L’entrepreneur Jarry obtient donc 300 francs supplémentaires de la part du Conseil. |
Le 20 juillet 1921, Le Conseil décide de la date de l’inauguration, le 4 septembre suivant, ainsi que des invitations des officiels.
Compte rendu du conseil municipal 20 juillet 1921
Le 4 septembre 1921, le monument aux morts de Ménétréol est effectivement inauguré. C’est la date anniversaire de la proclamation de la IIIe République (en 1870) qui est choisie.
La Dépêche du Berry, datée du 7 septembre, retranscrit le discours que le député Plaisant a prononcé à cette occasion.
Ces discours insistent sur la leçon donnée par les morts, avec un accent patriotique et grandiloquent, leçon dont les vivants doivent rester dignes.
|
7 septembre 1921 la dépêche du Berry |
|
8 septembre 1921 le journal du Cher |
L’ensemble de la manifestation fait l’objet d’un compte rendu au conseil municipal du 17 septembre |
|
Plusieurs mois après l’inauguration du monument, lors d’une délibération du 25 janvier1922, on apprend le nom de l’architecte : il s’agit de Monsieur Bonnet, d’Henrichemont à qui le Conseil verse des honoraires s’élevant à 300 francs. On apprend aussi la modique subvention versée par l’État pour l’érection du monument : 243,68 francs ! |
compte-rendu du Conseil municipal, 25 janvier 1922 |
le monument aux morts de Ménétréol sous Sancerre
Sur la base du monument aux morts de Ménétréol, est inscrite la période de la Grande Guerre : « 1914-1918 » .
La mention« 1914-1918 » est surmontée d’une phrase, sobre : « Aux enfants de Ménétréol sous Sancerre morts pour la France »
« Mort pour la France » est une appellation officielle, qui détermine le versement d’une pension. |
détail de l’inscription centrale |
À observer : tous les « N » ont d’abord été gravés à l’envers puis ont été corrigés. |
|
Cette inscription est elle-même surmontée d’un ornement militaire, la croix de guerre, décoration décernée pour acte de bravoure depuis 1915.
Au-dessus, se dresse un obélisque, élément de l’Antiquité traditionnellement associé à la mort. Sur l’obélisque, une palme est gravée : cet élément végétal honore le sacrifice.
Les trois autres faces du monument comportent les noms des soldats morts pour la France, classés par année, et non par ordre alphabétique. La hiérarchie militaire est maintenue jusque dans la mort : le grade de certains est précisé.
Le nom des morts est l’élément majeur des monuments : ils « montrent les noms dont ils ignorent les corps » (Annette Becker). Le monument est en effet un cénotaphe, un tombeau vide.
|
|
|
les noms, côté droit |
les noms, face arrière |
les noms, côté gauche |
vous pouvez retrouver tous ces soldats et leur histoire dans ce montage (cliquez sur l'image...) -si l'affichage n'est pas assez rapide à votre goût (il est prévu pour avoir le temps de lire!) vous pouvez forcer l'avancement avec la molette de votre souris par ex, -touche "echap" pour sortir |
Le monument aux morts comprend de nombreuses approximations . Il est difficile de corriger des erreurs gravées dans la pierre ; et cela entraînerait des frais supplémentaires, bien trop lourds pour une petite commune:
· Ernest Pastout est mort dès 1914, et pas en 1918.
· C’est le 2e prénom de Paul Léon Bouchard et d’Albert Maurice Pastout qui est mentionné. Peut-être était-ce celui qu’ils utilisaient quotidiennement.
· Un prénom est mal orthographié : à vous de le trouver.
En 1929, la liste officielle des « morts pour la France » de Ménétréol est dressée : elle comprend 26 noms, alors que 27 figurent sur le monument… De plus, des noms ne correspondent pas.
· Charles Balland, né à Gardefort, n’est pas sur la liste officielle de la commune, tout comme Eugène Grelot, né à Saint-Bouize.
· À l’inverse, Marie Louis Migeon (natif de Crézancy) et Auguste Pinault (natif de Saint-Satur) sont sur la liste officielle, mais pas sur le monument. Sont-ils inscrits sur le monument de leur commune de naissance ?
· Reste l’énigme Gaston Langou : il n’est ni sur la liste officielle, ni natif d’une commune proche de Ménétréol. Un René Gaston Langou, né à Paris, est bien mort en 1917. Peut-être habitait-il Ménétréol lors du déclenchement de la guerre.
![]() |
|