La pierre tombale des JARRY est encore en place sur le mur de la chapelle:
Cette famille, ancienne à Ménétréol, se
subdivise très tôt en plusieurs branches qui connaissent des
fortunes différentes. L’une d’elle, issue de la première
union célébrée avant 1598 entre Pierre JARRY (v.1573+1627/1637)
marchand et laboureur à Ménétréol, et Anne
JALLOT (+1601/1617), vit sa descendance s’illustrer de telle façon
dans l’histoire locale, qu’elle n’eut bientôt plus rien à
voir avec ses homonymes et néanmoins parents qui demeurèrent
fidèles à une tradition plus viticole et agricole.
La descendance de Pierre JARRY, allait fournir pêle-mêle,
deux notaires au Comté de Sancerre père et fils qui se succédèrent
dans la charge, puis des Avocats en Parlement, un Lieutenant au Régiment
Royal Roussillon, un Chevalier de St Louis, un Procureur au Bailliage,
un Capitaine, un Magistrat.
Le jeu des alliances concourait tout naturellement à conforter la distinction de la famille. Françoise CHARPIGNON, épouse de Me Jean JARRY, comptait dans sa parenté un notaire royal à Concressault qui exerçait en 1631. Antoinette LESCOLLIER, femme de Me François JARRY, était fille de Jean LESCOLLIER et de Suzanne PINSON, s’agissait t’il de ce Me Jean LESCOLLIER qui fut notaire entre 1568 et 1599. Des alliances avec les familles DESBANS, VAILLANT de GUELIS, PERRINET de VALLIERE et dans la petite noblesse locale avec les de PIERRE seigneurs de Marnay furent contractées.
Fils de ce « marchand-laboureur », et notaire de son état,
Jean JARRY (1601+1628) appartenait à une famille en pleine ascension
sociale. Baptisé à Ménétréol le 6 janvier
1601, il était signalé comme « clerc » en 1620,
et dût probablement acquérir sa charge entre cette date et
l’année 1622 où pour la première fois nous le trouvons
qualifié de notaire au comté.
Dans le même temps, il avait épousé Demoiselle
Françoise CHARPIGNON avec laquelle le bonheur fut de courte durée,
car Jean JARRY devait mourir le 15 juillet 1628. Son épitaphe, encore
lisible sur une stèle enchâssée dans le mur ouest de
la chapelle de la Vierge, laisse entendre que bien avant sa mort, il avait
décidé de la réédification de cette chapelle.
Sa volonté fut respectée et Me Etienne GEVRY lui aussi
notaire et procureur au comté que sa veuve avait épousé
en secondes noces entre 1628 et 1631, fut l’exécuteur de ce projet.
Il semble que les travaux se soient achevés en 1639, date de l’épitaphe
gravée.
En avril 1697, dans son testament, Dame Antoinette LESCOLLIER demandait à y reposer auprès de son mari François JARRY, et si elle se préoccupa du salut de son âme, elle n’en contribua pas moins à améliorer l’aménagement du sanctuaire. Elle prescrivit la mise en place d’un banc « pouvant contenir trois ou quatre personnes » et accentuait le caractère privé des lieux en préconisant l’érection d’une balustrade qui séparerait la chapelle du reste de l’église. Elle fonda annuellement et à perpétuité « les jours et fêste de la Nativité et Assomption de la Sainte Vierge », des « messes chantées et après vespres un Salve Regina suivi d’un Libéra sur leur fosse » et ajoutait au lendemain de ces fêtes la célébration d’une « messe basse ». Pour la rémunération des célébrants, elle légua aux curés de Ménétréol une rente de Soixante Livres sur une vigne sise aux Lacs.
Héritier d’un lieu où il jouissait du droit exclusif de
sépulture, François JARRY (v.1621+1693) fils unique de Jean
et sa descendance après lui, furent désormais aussi tenu
à son entretien. C’est d’ailleurs ce dernier point qui devait conduire
la famille quelques générations plus tard à renoncer
purement et simplement à la propriété des lieux, après
s’en être désintéressé depuis longtemps déjà.
Ce n’était pas encore le cas à la fin du XVIIème siècle,
mais la rupture s’amorça très rapidement dès la première
moitié du siècle suivant.
Les soins que la veuve JARRY avait prodigué à l’édifice
ne furent vraisemblablement pas suivis par ses descendants, ainsi qu’en
témoigne, une quarantaine d’années plus tard, le procès
verbal de visite pastorale de l’archevêque. Au mois de mai 1738,
lors de la visite pastorale de Mgr de LA ROCHEFOUCAULD, la chapelle trahissait
un certain abandon. Accompagné de Me Jean JARRY, Avocat en Parlement
et propriétaire des lieux, le prélat devait en constater
le très mauvais état. La charpente et la couverture n’était
« ni montée et ni lambrissée », ce qui la rendait
malpropre. L’autel n’était pas non plus dans un état décent.
L’archevêque, à qui de toute façon les travaux ne coûteraient
pas une Livre, ordonna des réparations et la pose d’un retable
de « six à sept pieds de hauteur dans la milieu duquel serait
un petit tableau de la Sainte Vierge ». Enfin, il préconisa
la peinture et le parement des gradins. Dans quelle mesure ces ordres engageaient-ils
les JARRY si ce n’est peut-être à proportion de leur conscience?
Les travaux furent-ils effectués? Nous l’ignorons! Par contre, afin
d’éviter peut-être d’être à l’avenir tenu à
de tels impératifs et par une attitude qui confirme le désintérêt
qu’ils avaient affiché déjà par le passé pour
l’édifice, la famille devait officiellement abandonner l’endroit
quelques années avant la Révolution.
Ainsi, par deux actes des 30 janvier et 20 mars 1783, les six héritiers JARRY renonçaient officiellement à « toute propriété et droits dans la chapelle Notre Dame » et précisaient clairement leur volonté de ne plus contribuer à l’avenir à aucune dépense d ’entretien sur le bâtiment. Le Prieur de la paroisse et le Conseil de Fabrique qui n’étaient guère riche, mais qui ne pouvaient refuser de recevoir la chapelle rendue à un usage public, voyaient leur charges s’accroître sans y avoir consenti. D’ailleurs, le curé VARRY visiblement embarrassé, se voyait contraint de reconnaître qu’il n’avait aucun moyen de s’opposer à la décision des JARRY.
Outre l’aspect purement financier qui conduisit peut-être à
la renonciation à un honneur devenu trop onéreux, plusieurs
points de fait sont à prendre cumulativement en considération.
D’une part, la perte éventuelle du droit de sépulture
depuis la déclaration Royale de mars 1776 relative à la translation
des cimetières hors des bourgs et villages et qui interdisait désormais
les sépultures dans les églises. Sans être assuré
de son application systématique aux fondateurs de chapelles nous
constatons tout de même qu’en novembre 1777, le Lieutenant Mary JARRY
récemment décédé, fut conduit dans le «
cimetière paroissial » et non dans le sanctuaire familial.
D’autre part, la dispersion géographique accentuée
à cette génération de la plupart des cohéritiers.
L’un d’entre eux, François JARRY, habitait Meug-sur-Loire, alors
qu’un second résidait en Alsace, d’où le désintérêt
qu’ils pouvaient afficher pour une chapelle dont ils ne profitaient jamais,
mais pour laquelle ils devaient participer financièrement
à l’entretien.
Enfin, cette attitude pourrait aussi se comprendre en référence
à la « philosophie » qui semble inspirer Jacques JARRY,
qui de Procureur au Comté de Sancerre, devint membre actif de l’administration
révolutionnaire de la ville de Sancerre. Un tel personnage pouvait
logiquement faire peu de cas d’un bâtiment symbole d’un privilège
désuet et ne cadrant absolument pas avec les mœurs des gens
qui adoptèrent une ligne de conduite semblable à la sienne.
Laurent LEPRESLE
Association « Ménétréol Mémoires
pour Demain »
Sources :
- R.P. RAOUL, Ménétréol sous Sancerre à
travers les siècles, Issoudun, 1971, pages 123 et 125
- Registre Paroissial (1750-1791) en mairie de Ménétréol,
année 1777,
- Archives du Cher :
B.M.S. Ménétréol, 3 E 985 et 986
B.M.S. Sancerre, 3 E 1030, sépulture de Me François JARRY
Minutes Notariales, E 20 716 et E 19 418.
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